Exposition : Du samedi 26 juin 2010 au dimanche 29 août 2010
Le monde dans une goutte d’eau : ce n’est rien de moins que cette prouesse qu’accomplit la photographe taiwanaise Yuhsin U. Chang. Dans chaque goutte-îlot qui semble la pierre dure d’un bijou finement ciselé, des ciels, de vastes paysages se reflètent. Elle fait ainsi tenir l’infiniment grand dans le macroscopique et donne à voir l’éternité dans le reflet fugitif et instable d’un miroir liquide : autant de paradoxes que Yuhsin U. Chang met en oeuvre poétiquement, avec des moyens on ne peut plus simples.
Regroupés, ces îlots qu’elle a semés sur une surface immatérielle à la fois lisse et profonde, constituent un archipel, fragment d’une carte géographique de l’Ailleurs. À moins qu’il ne s’agisse d’une constellation ? Qu’importe puisque l’important est ce va-et-vient entre le microcosme et le cosmique, entre le vu et l’imaginé. Nul effet d’illusion ici : la réalité modeste ne cherche aucunement à se faire oublier ; elle coexiste d’emblée et simultanément avec nos projections imaginaires les plus grandioses et nous amène à nous interroger sur notre capacité à faire cohabiter ce qui, d’ordinaire, s’exclut.
Yuhsin U. Chang est familière de ces manipulations du paysage qu’elle n’hésite pas, dans d’autres travaux, à surimprimer à des fragments de corps pour créer une topologie onirique du corps-paysage, thème récurrent et universel de la littérature.
Ce qui justement est en jeu ici, c’est une remise en cause de la perception du réel par l’ambiguité de ces images « doubles », comme les nomme leur auteur. Des déplacements, des transpositions qui ouvrent des horizons insoupçonnés et peuvent devenir le point de départ d’une théorie de l’univers ou fournir le moyen d’apprivoiser une vérité contradictoire.
J.-C. F.
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