Exposition : Du samedi 26 juin 2010 au dimanche 29 août 2010
Durant des siècles, le site montagneux de Huang Shan, à l’est de la Chine, a fasciné poètes et peintres venus de tout l’Empire. Aujourd’hui, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, il attire les touristes du monde entier. En choisissant de se confronter à ce sujet classique de la peinture chinoise, Mi Hyun Kim s’est inscrite également dans la tradition picturale taoïste.
Pics émergeant d’une mer de nuages en mouvement, pins centenaires défiant l’abîme, accrochés aux parois rocheuses sans cesse dérobées au regard : le paysage, loin de manifester son habituelle stabilité, se présente ici comme un archipel vertical dont les fugitives apparitions obéissent à la volonté imprévisible de la brume. Marc Riboud ne déclarait-il pas à propos de sa venue en 1983 : « Je décidai de partir [à Huang Shan] sans imaginer que ma passion d’imaginer ce qui bouge et ce qui change serait à ce point comblée par un paysage. » Mais tandis que le photographe occidental faisait de la brume - onctueuse et bien concrète - l’un des éléments du paysage, au même titre que le minéral ou le végétal, Mi Hyun Kim lui ôte toute matérialité. Elle lui confère ainsi son statut de vide, c’est-à-dire non de néant mais de champ de tensions qui permet aux souffles vitaux de circuler entre les éléments visibles, les affranchissant du chaos de la continuité. L’impression si forte devant ces photographies, que la nature imite l’art à la perfection, n’est donc ni un hasard ni une illusion. Pour le photographe comme pour le peintre, il s’agit non de reproduire les formes extérieures du paysage, mais de retrouver le geste créateur de la nature, de reproduire son principe d’organisation depuis l’intérieur de soi-même.
Cette vision fragmentée et instable est par ailleurs une constante chez Mi Hyun Kim. Qu’elle photographie de nuit les bars ambulants de Séoul, sa ville natale, les passants pressés ou les noctambules parisiens, le réel ne se dévoile à elle que de manière partielle et fugitive. Même ses natures mortes ne nous livrent des objets que des visions contrariées, au travers d’écrans ou de reflets. Sans cesse le réel semble se dérober, fluide, ne laissant à qui veut le saisir que la possibilité de capter les éphémères éclats de sa beauté.
J.-C. F.
|