Photographe reconnu depuis des décennies dans sa Roumanie natale, ayant réalisé de nombreux livres, obtenu des prix, exposé en Europe et à New York, Sandu Mendrea n’en est pas moins victime de la censure en 1986. Il décide alors, non sans douleur, de quitter sa patrie pour s’établir avec sa famille en Israël. Là, il photographie le pays et s’intéresse particulièrement à ce haut lieu de la vie religieuse qu’est le Mur des lamentations (le Kotel) à Jérusalem.
Ce reste de la muraille qui soutient la colline où se situait le saint des saints, le Temple détruit par les armées romaines en l’an 70, est le lieu le plus sacré du judaïsme, celui où, du monde entier, l’on vient se recueillir, prier, formuler des vœux que l’on inscrit sur des morceaux de papier et que l’on glisse entre les pierres du Mur. Sandu Mendrea, dont l’identité roumaine avait relégué au second plan les racines juives, porte sur ce lieu, sur les rituels qui s’y déroulent, l’agitation incessante qui y règne un regard à la fois distancié et empreint de sympathie, teinté d’humour mais respectueux.
Son fils, Dinu, a seize ans lorsque la famille arrive en Israël et il s’intègre rapidement à la société locale. Devenu photographe lui aussi, il s’attache à décrire le pays sous tous ses aspects et, comme son père, revient régulièrement photographier le Mur. Il en résulte une « oeuvre à quatre mains » dans laquelle le père et le fils improvisent sur les mêmes thèmes la musique propre à chacun. Ils ont en partage la prière, le recueillement, la gestuelle emphatique des Hassidim dans leur vêtement traditionnel, l’ennui ou l’indifférence des enfants, la présence des soldats armés qui révèle en creux la situation tendue générée par le conflit israélo-palestinien. Vision peut-être plus incisive chez Dinu qui s’attache à la diversité des comportements, aux situations incongrues, qui n’hésite pas à cadrer au plus près ses sujets et à morceler les corps tandis que son père a opté pour une approche plus globale et méditative des situations. Faut-il voir dans cette différence l’effet d’une plus profonde intégration chez le fils impliqué dès sa jeunesse dans le devenir du pays ? Quoi qu’il en soit, ces visions parallèles, issues de deux générations, porteuses de chaleur humaine, d’humour et de poésie constituent, par-delà leur contenu, un émouvant témoignage de relation entre un père et son fils.
Jean-Christian Fleury
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