Il est des lieux où « souffle l’esprit » : lieux inspirés et inspirants qui donnent aux hommes la conviction que là, précisément, ils se trouvent reliés à quelque chose qu’on nommera transcendance, cosmos ou autrement, qui les conduit à prendre conscience de leur place à la fois éminente et fragile dans l’univers.
Ce sont ces sites naturels devenus, au fil des générations, lieux de pèlerinage et aujourd’hui de tourisme. Geneviève Hofman les a parcourus et observés dans l’espoir que la photographie saurait y reconnaître une géographie du sacré.
Suivant un itinéraire à la fois géographique et symbolique, elle s’est rendue dans quatre hauts lieux de la chrétienté dédiés à saint Michel, l’archange protecteur, le proche de Dieu, et dans trois autres consacrés par les Grecs au culte d’Apollon, messager de Zeus par ses oracles, proche de saint Michel par ses fonctions et certains de ses attributs. Sept sites étrangement alignés selon un axe nord-ouest / sud-est reliant le Mont-Saint-Michel au mont Thabor en Israël.
De ces paysages élus par les hommes pour y pratiquer leurs rites, elle nous livre une vision dépouillée de toute référence culturelle, privilégiant une approche topographique et au plus près des sensations, tactiles aussi bien que visuelles. Elle interroge les éléments - ciel, terre, roche, végétation -, leur configuration, leurs interactions ; elle scrute les marques laissées par les hommes : prouesses architecturales réalisées sur des sommets abrupts, mais aussi traces discrètes des passages répétés au long des siècles.
Lieux riches en oppositions d’où ils tirent sans doute une partie de leur pouvoir : entre l’ombre et la lumière, le chaos et le construit, la présence de sites féminins (grottes, cavernes) à proximité des sites masculins établis sur des monts et des pics. Oppositions qui trouvent un écho dans la forme même des images : à la vision en plan général de paysages grandioses répond celle presque macroscopique de la matière des roches ou du sable ; aux panoramiques horizontaux succèdent les verticaux qui relient le tellurique au céleste ; le recours du noir et blanc argentique pour remonter dans le temps et aller à l’essentiel de ce qui structure ces paysages alterne avec l’emploi de la couleur en numérique pour rendre compte de l’activité profane actuelle qui envahit ces sites où des hordes de touristes se pressent devant les échoppes des marchands du Temple.
Le propos de Geneviève Hofman n’est certes pas de débusquer l’invisible, mais de retrouver par empathie ce qui a aimanté cet impérieux désir des hommes d’atteindre un lieu, de l’ériger en aboutissement d’une quête, au point de n’éprouver plus le besoin d’aller plus loin, d’en faire le site harmonieux, architecturé d’où ils peuvent se relier à ce qui les dépasse.
J.-C. F.
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