Exposition : Du samedi 26 juin 2010 au dimanche 29 août 2010
Voici des paysages d’une étrangeté d’autant plus surprenante qu’ils sont d’une grande banalité. De belles images dont on ne sait ce qu’elles doivent au réel, à la mise en scène, à l’imagination de leur auteur. Images ambiguës, donc.
Les références affluent : de la peinture paysagiste du xixe siècle au collage surréaliste avec ces incroyables vols d’étourneaux qui imposent leur géométrie pointilliste à des ciels chahutés ou cette improbable montgolfière qui vient ponctuer le i tourmenté d’un cyprès ; des autochromes-Lumière à la palette chromatique assourdie, au pictorialisme que l’auteur évoque lui-même.
Mais trop de références tue la référence. À la différence du pictorialisme historique de la fin du xixe siècle, il ne s’agit pas ici de mimer la peinture ou la gravure pour faire accéder ces photos au domaine des beaux-arts. La photographie n’a plus besoin de conquérir ses lettres de noblesse et la peinture qui est ici évoquée n’est plus de notre époque.
Le propos est bien plutôt de « faire image ». Il n’y a pas si longtemps, avant l’époque du tout-à-l’image (comme on a le tout-à-l’égout), on offrait aux enfants sages, aux écoliers méritants des images précieuses. On en trouvait dans les tablettes de chocolat. Elles faisaient voyager : là était la récompense. Ce sont à elles que l’on songe devant les « tableaux » de Rosa Basurto. Leur pouvoir d’émotion, leur beauté qui ne craint pas une certaine préciosité tiennent à ce qu’ils font remonter en nous d’émerveillement lointain. Leur feinte naïveté s’adresse à notre innocence perdue, leur artifice à notre moi profond. Rosa Basurto le confie : « J’interprète les paysages qui vivent dans mes souvenirs, mes émotions et mon imagination. »
Ces « lieux de l’âme » sont ceux qui, peu à peu, la constituent à travers une imagerie héritée des premières expériences visuelles, des premiers livres illustrés, plus tard des films. Réelles ou fictives, les images s’accumulent par strates dans notre mémoire, sédimentent notre psychisme, puis fusionnent de même que Rosa Basurto superposent ses clichés pour créer, ou plutôt réveiller, un monde qui sommeille en elle. Mais les paysages rêvés ne sont-ils pas à tout le monde ?
J.-C. F.
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