Édition 2011

À travers ses instantanés de citadins, Olivier Nord analyse leurs comportements sociaux ; il en dresse des typologies à l’aide d’interventions numériques qui lui permettent d’accumuler dans une même image des attitudes, des gestes devenus emblématiques d’un moment de notre société : téléphoner dans la rue, prendre la photo d’un monument, courir en sortant d’une gare pour se rendre au travail. De manière similaire, il s’intéresse aux territoires, à l’organisation de l’espace public, à la conquête des zones construites sur la nature, aux modèles auxquels l’homme se réfère pour s’approprier l’espace. Avec la série15 août, comportements et territoire ne font plus qu’un : ses photographies réalisées les 14, 15 et 16 août 2007 nous montrent un fragment du littoral espagnol submergé par un flot vivant. Un enchevêtrement de corps recouvre cette zone de nature et de liberté par excellence qu’est la grève et la redéfinit en cette entité balnéaire qu’on nomme «la plage ».

Prises à hauteur d’homme, c’est-à-dire ici au ras du sol, ces images nous offrent le spectacle d’un peuple ensablé, entièrement tourné vers la mer sous l’effet d’un tropisme comparable à celui qui aimante les tournesols vers le soleil. Une multitude de scènes simultanées se répètent à perte de vue comme dans une mise en abyme des situations et des attitudes des plagistes. Cet effet de prolifération se trouve démultiplié, comme dans un kaléidoscope, par le dispositif de présentation : un mur de vingt-cinq images qui, perçu dans son ensemble, ne renvoie plus que le reflet à la fois drôle et terrifiant d’une matière humaine disloquée, labyrinthe de chair entre ciel et sable où l’individu se fond dans une masse indistincte. Sous la lumière blanche de l’été, se déploie un éventail de couleurs acides ou fluo, celles des maillots de bain, des parasols, des sièges, des serviettes et des matelas de plage, traduction chromatique de la normalisation des individus : celle des goûts, de l’espace et de son usage et même celle des corps, modelés par un mode de vie auquel il semble impossible d’échapper. Cruel retournement de sens que celui du mot vacance : ce moment de vide, de disponibilité au caractère imprévisible de la vie. En devenant un pluriel, les vacances nous donnent paradoxalement le spectacle de l’uniformité programmée, d’un trop-plein à l’opposé de la plénitude.

J.-C. F.