Exposition : Du jeudi 14 juillet 2011 au dimanche 28 août 2011
Pour Thierry Girard, la marche est d’abord confrontation physique et communion avec l’environnement. Elle permet « cette perception aiguë des choses, ce mélange de détachement et d’attention qui ouvre à toutes les sensations et à un sentiment profond de la nature ». Mais elle est aussi confrontation de la nature avec la culture à travers laquelle nous la percevons. Grâce à la marche, il peut vérifier la réalité physique des limites conçues par les hommes, des frontières culturelles ou géographiques, satisfaire ce qu’il nomme son « tropisme des lisières », son « inquiétude des seuils ». Cette exposition réunit les équipées qu’il fit en 1992-1993 sur les côtes de l’archipel Saint-Pierre-et-Miquelon et, en 1996, le long de la côte marocaine. Elle tente de cerner le « sentiment atlantique » éprouvé par le photographe dans son enfance et revécu lorsqu’il parcourait ces « bouts du monde ».
La côte du Maroc est cette extrémité de l’Afrique du Nord où s’achevèrent les vagues migratoires, culturelles et religieuses venues de l’Est, butant contre ce mur de l’océan qui bornait alors le monde connu, avant qu’il ne devienne, à l’inverse, la voie ouverte vers les terres nouvelles. À travers une série de marches de cinq à dix jours, Thierry Girard nous plonge dans un no man’s land où alternent les caps, les falaises abruptes, les chaos rocheux, où les vagues du Sahara viennent se briser sur celles de la mer ; des paysages minéraux, tantôt minimalistes, tantôt surchargés de fines ciselures, qui nous renvoient aux origines du monde. Paysages tout aussi austères : ceux des îles Langlade, Saint-Pierre et Miquelon jadis habitées par les pêcheurs de morue, avec leur socle basaltique, leurs étangs, leurs tourbières balayées par les vents de neige, leurs arbres nains malmenés par les embruns, glorifiés par le givre. Au gré des saisons se révèle une beauté âpre, mélancolique, qui nous renvoie, sans spectacle, à l’essentiel. Le projet documentaire, qui supposerait la foi dans la transparence du médium photographique, laisse place ici à une confrontation avec soi-même, à une expérimentation physique, poétique et philosophique de cet entre-deux qu’est « l’espace océanique ».
J.-C. F.
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