L’oeuvre de Heinz Cibulka, bien que d’une grande diversité de formes, est restée marquée par l’origine artistique dans laquelle elle s’enracine : le mouvement de l’actionnisme viennois des années 1960 auquel il participa en photographiant en particulier les performances de Hermann Nitsch ou de Rudolf Schwarzkogler.
La référence religieuse, particulièrement celle à l’eucharistie, au sacrifice, au sang, y était prépondérante.
Son travail photographique s’est orienté vers la constitution d’associations d’images empruntées au répertoire documentaire qu’il a constitué à partir de ses propres prises de vues. Réalisées dans un premier temps dans le milieu rural où il vivait, elles évoquent la vie de la campagne autrichienne, la nature, les saisons, la vie familiale et sociale d’une société imprégnée d’un catholicisme autrichien marqué par l’esprit et l’esthétique du baroque d’Europe centrale.
Mais au-delà de cet aspect sociologique, Heinz Cibulka est attentif aux événements les plus ténus de la vie quotidienne dont il parvient à révéler une dimension spirituelle ou philosophique inattendue. Ses blocs de quatre images constituent des propositions poétiques dans lesquelles il fait cohabiter des fragments de réalités éloignées, qui dialoguent entre eux pour produire un sens qui les dépasse et oblige le spectateur à trouver sa lecture personnelle comme le ferait le lecteur d’un poème.
L’un des reproches que Cibulka adresse à la photographie est son manque de sensualité, sa désincarnation, son expression purement mentale. En créant une poésie qui naît du choc des images entre elles, en brassant dans ses œuvres les plus récentes des quantités toujours plus importantes d’images dans de vastes « fresques » composées sur ordinateur, il ne cesse de rivaliser avec la richesse des propositions visuelles qu’offre la réalité afin de célébrer la vie.
Le choix des poèmes visuels présentés ici est issu de différentes séries réalisées entre 1982 et 2009, dans lesquelles la présence du sacré, souvent manifestée explicitement dans l’une des images, se trouve imprégner l’ensemble, faisant de chaque instant prélevé un moment de grâce.
Jean-Christian Fleury
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