Couverts d'amulettes et de talismans, armés des fusils d'un autre temps, les chasseurs du Mali sont la mémoire intacte du moyen âge africain. Descendants des corps d'élite de l'empire du Mali, ils portent les mêmes tenues et obéissent aux mêmes lois que les cavaliers et soldats du roi Soundjata Keïta (1190-1255).
Les chasseurs ignorent les frontières nées de la colonisation et vivent sur la presque totalité de l'Afrique de l'Ouest, sur les actuels Mali, Sénégal, Gambie, Guinée, Guinée Bissau, Mauritanie, et sur une partie de la Côte d'Ivoire. Ils transmettent l'histoire orale de l'empire de Keïta, qui s'étendait du Sahara jusqu'à la forêt équatoriale, de l'Océan Atlantique à la Boucle du Niger. Le règne de Keïta fut une époque durant laquelle coexistèrent l'islam et l'animisme. Après des siècles de guerres tribales et de traites humaines, Keïta rassembla les armées des petits royaumes et supplanta les troupes de son rival Soumahoro Kanté en 1235.
Les chasseurs forment une confrérie initiatique où les hommes sont recrutés par cooptation, sans considération de naissance, d'origine ou de classe. Ils sont à la fois l'autorité villageoise, les dépositaires de la justice, d'une tradition musicale et poétique puissante, et les maîtres des savoirs thérapeutiques, cynégétiques, géomantiques et magiques. Face à la corruption et au chaos générés par le néo-colonialisme, face à l'oubli programmatique instillé par la mondialisation libérale, la puissance souterraine et transnationale des chasseurs traditionnels constitue l'un des socles spirituels de l'Afrique, un mythe fondateur, une active utopie.
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